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Fin de partie

Fin de partie

Fin de partie

A partir de "Room in New-York" par Edward Hopper via Wikimedia Commons

A l'intérieur de la maison, les lampes donnaient à la bibliothèque un éclat de fleur pourpre. Tom et miss Baker avaient pris place aux deux extrémités de l'immense canapé, et elle lui lisait le "Saturday Evening Post" - les mots chuchotés, monocordes, s'enchaînaient comme une berceuse. Le reflet des lumières, très vif sur les bottes vernies de l'un, plus assourdi sur la chevelure d'automne de l'autre, glissait le long du magazine à chaque fois qu'elle tournait la page, en crispant légèrement les muscles effilés de son bras. Elle leva la main, en nous voyant entrer, pour nous imposer un instant de silence.
- La suite au prochain numéro, dit-elle en reposant le magazine sur la table.
D’une brève torsion du genou, elle se redressa et se mit debout.
- Dix heures, constata-t-elle comme si elle venait de le lire au plafond. La gentille petite fille doit aller au lit.
- Jordan dispute un tournoi de golf demain à Westchester, m’expliqua Daisy.
- Oh ! Vous êtes Jordan Baker ! Je comprenais enfin pourquoi son visage m’était familier. Combien de fois ce regard d’aimable dédain m’avait-il dit toisé, dans les évènements sportifs illustrés des journaux d’Asheville, de Hot Springs et de Palm Beach…On m’avait raconté quelque chose à son sujet, une histoire délicate, déplaisante même mais j'en avais oublié les détails depuis longtemps.
- Bonsoir, dit-elle à mi-voix. Tu me réveilles à huit heures, Daisy ? Sans faute ?
- Si tu promets de te lever.
- Je promets. Bonsoir, Mr Carraway. A bientôt peut-être.
- A bientôt sûrement, affirma Daisy. J’ai l’intention de vous marier, Nick. Il faut que tu reviennes le plus souvent possible, et je m’arrangerai pour – oh ! – oui, pour vous ménager de longs tête-à-tête, vous boucler par mégarde dans la buanderie, vous expédier au large avec le hors-bord, enfin, ce genre de choses…
- Bonsoir, répéta miss Baker du haut de l’escalier. Je n’ai pas entendu un mot.
- C’est une fille très sympathique, dit Tom, après un instant de silence. Ils ne devraient pas la laisser courir ainsi à d’un bout à l’autre du pays.
- Qui ça : ils ? demanda Daisy d’un ton sec.
- Sa famille.
- Pour toute famille, elle n’a qu’une tante qui doit avoir dans les mille ans. D’ailleurs, Nick va s’occuper d’elle. D’accord, Nick ? Elle passera presque tous ses week-ends ici, avec nous cet été. L’ambiance de cette maison lui fera le plus grand bien, j’en suis sûre.
Tom et Daisy se dévisagèrent un moment sans rien dire. Je demandai très vite.
- Est-elle de New-York ?
- De Louisville. Nous y avons partagé nos candides années de jeunesse. Nos merveilleuses et candides années…
- Tu as offert à Nick un petit entretien cœur à cœur sur la véranda ? demanda Tom brusquement.
- Moi ? Elle me regarda.
- De quoi avons-nous parlé ? Je ne sais plus très bien. Des races nordiques, je crois. C’est ça, oui, je m’en souviens maintenant. Le sujet nous avait passionné, et c’est la première chose qui…
- Ne crois pas tout ce qu’on te raconte, Nick, me dit Tom.
J’ai répondu sans insister qu’on ne m’avait rien raconté du tout, et quelques minutes plus tard, je me suis levé pour partir. Ils m’ont raccompagné jusqu’à la porte et sont restés immobiles, l’un à côté de l’autre, dans le faisceau de lumières.