Un certain M. Nelson

Alors, laissant

Alors, laissant tomber un sujet de conversation indifférent, qui, d'une façon assez peu naturelle, les avait conduits à parler des plantations d'asperges de Halensee ainsi que de leur entretien et de leur valeur thérapeutique, Léopold subitement prit son courage à deux mains et dit :
- Savez-vous Corinne, que j'ai un bonjour à vous transmettre.
- De qui ?
- Devinez.
- Eh bien, disons de M. Nelson.
- Ah, je suis sûr que vous ne procédez pas loyalement, il y a là-dedans de la voyante ; est-ce que vous savez lire des lettres dont vous ne savez même pas si elles ont été écrites ?
- Oui, Léopold ; et je pourrais vous laisser dans cette croyance et, pour vous, m'établir comme voyante. Mais je m'en garderai. Car toutes ces choses mystiques, hypnotiques et pleines d'apparitions d'esprits n'inspirent aux gens de bon sens qu'une sainte horreur. Et inspirer l'horreur n'est pas ce que je souhaite faire. J'aime mieux me conquérir le cœur des braves gens.
- Ah, Corinne, vous n'avez cependant pas besoin de faire semblable souhait. Je n'arrive pas à m'imaginer un homme dont le cœur ne vous soit pas acquis. Il faudrait seulement que vous lisiez ce que M. Nelson a écrit de vous. Cela commence par amusing ; puis il y a du charming et du high-spirited, pour finir par fascinating. Alors vient le bonjour, lequel, après tout ce qui a été dit précédemment, a quelque chose d'une froide banalité. mais d'où saviez-vous que le bonjour venait de M. Nelson ?
- J'ai rarement rencontré énigme plus transparente. Votre papa nous a dit que vous arriveriez en retard parce que vous teniez à écrire à Liverpool. Eh bien, Liverpool, c'est M. Nelson. Et quand on a M. Nelson le reste vient tout seul. Je pense d'ailleurs que toutes les voyantes procèdent de cette façon. Et avec autant de facilité que dans les lettres de M. Nelson je peux lire ailleurs, dans votre avenir par exemple, Léopold !