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Le conte merveilleux de l'existence

Le conte merveilleux de l'existence

Le conte merveilleux de l'existence

A droite

A droite

A partir de "Damenbild" de Max Liebermann via Wikimedia Commons

A droite deux couples contournaient le lac : en tête le vieux Schmidt avec Jenny son amie de jeunesse et, à quelque distance derrière eux, Léopold et Corinne.
Schmidt avait offert son bras à sa cavalière en la priant aussi de lui laisser porter sa mantille, car il faisait un peu lourd sous les arbres. Jenny avait accepté volontiers cette offre ; mais quand elle s'aperçut que le cher professeur laissait toujours traîner la garniture de dentelle qui s'accrochait tour à tour dans les sureaux ou la bruyère, elle le pria de lui redonner son vêtement :
- Vous êtes exactement le même qu'il y a quarante ans, mon cher Schmidt. Toujours galant mais sans grand succès.
- Oui, très chère Madame, c'est un défaut dont je n'ai jamais pu me débarrasser et qui a commandé mon destin. Si mes hommages avaient été un peu mieux accueillis, pensez comme ma vie aurait eu une autre orientation et la vôtre aussi du même coup…
Jenny répondit par un léger soupir.
- Et alors, très chère Madame, vous n'auriez jamais commencé le conte merveilleux de votre existence. Car le bonheur est toujours un conte merveilleux.
- Le grand bonheur est toujours un conte merveilleux, reprit Jenny, lentement et d'un ton plein de sensibilité. Comme c'est joli, et vrai en même temps. Et voyez-vous Wilibald, la vie enviable et enviée que je mène actuellement refuse à mes oreilles et à mon cœur d'aussi douces paroles ; il se passe de longues périodes sans que jamais des expressions aussi profondément poétiques soient prononcées devant moi et c'est pour ma nature morale une douleur incessante. Et puis, vous parlez de bonheur, de grand bonheur même, cher Wilibald.
Eh bien, croyez-moi, puisque j'ai eu l'expérience de tout cela, ces choses si ardemment désirées deviennent sans valeur quand on les possède. Souvent, quand, pendant des nuits sans sommeil, je me remémore la vie, il m'apparaît clairement que la fortune qui m'a tant favorisée ne m'a pas conduite dans les chemins qui étaient faits pour moi et que, dans une situation plus modeste, comme épouse d'un homme qui aurait vécu dans le monde des idées et surtout de l'idéal, j'aurais été probablement plus heureuse.
Vous savez combien Treibel est bon et quelle reconnaissance je lui ai pour sa bonté. Cependant, il me faut malheureusement avouer qu'avec ce mari je ne peux jamais éprouver cette haute joie de la soumission à un supérieur, qui est la meilleure part de notre bonheur et qui signifie à peu près la même chose que le véritable amour.
Je n'ai le droit de dire de pareilles choses à personne ; mais devant vous, Wilibald, j'ai le droit de mettre à nu mon cœur, il me semble même que c'est plus qu'un droit humain, c'est peut-être même un devoir…