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Je vous accorde

Je vous accorde

Je vous accorde

par Sidney Paget via Wikimedia Commons

Je vous accorde que c’est, en effet, très probable. Mais la prévoyance et l’affaissement de moralité ? Sherlock Holmes se mit à rire.
– La prévoyance, tenez, elle est là !
Il posait le doigt sur le petit oeillet métallique fixé dans le bord du chapeau.
– Cet oeillet, expliqua-t-il, le chapelier ne le pose que sur la demande du client. Si notre homme en a voulu un, c’est qu’il est dans une certaine mesure prévoyant, puisqu’il a songé aux jours de grand vent et pris ses précautions en conséquence. Mais nous constatons qu’il a cassé le cordonnet et ne s’est pas donné la peine de le faire remplacer. D’où nous concluons qu’il est maintenant moins prévoyant qu’autrefois, signe certain d’un caractère plus faible aujourd’hui qu’hier. Par contre, il a essayé de dissimuler des taches en les recouvrant d’encre, ce qui nous prouve qu’il a conservé un certain amour-propre.
– Votre raisonnement est certes plausible.
– Quant au reste, l’âge, les cheveux grisonnants, récemment coupés, l’emploi de la brillantine au citron, tout cela ressort d’un examen attentif de l’intérieur du chapeau, dans sa partie inférieure. La loupe révèle une quantité de bouts de cheveux minuscules, manifestement coupés par les ciseaux du coiffeur. Ils sont gras et l’odeur de la brillantine au citron est très perceptible. Cette poussière, vous le remarquerez, n’est pas la poussière grise et dure qu’on ramasse dans la rue, mais la poussière brune et floconneuse qui flotte dans les appartements. D’où nous pouvons conclure que ce chapeau restait la plupart du temps accroché à une patère. Les marques d’humidité qu’on distingue sur la coiffe prouvent que celui qui le portait transpirait abondamment, ce qui donne à croire qu’il n’était pas en excellente condition physique.
– Mais vous avez aussi parlé de sa femme, allant jusqu’à dire qu’elle ne l’aimait plus !
– Ce chapeau n’a pas été brossé depuis des semaines. Quand votre femme, mon cher Watson, vous laissera sortir avec une coiffure sur laquelle je verrai s’accumuler la poussière de huit jours, je craindrai fort que vous n’ayez, vous aussi, perdu l’affection de votre épouse.
– Mais cet homme était peut-être célibataire ?
– Vous oubliez, Watson, qu’il rapportait une oie à la maison pour l’offrir à sa femme ! Rappelez-vous l’étiquette accrochée à la patte du volatile !
– Vous avez réponse à tout. Pourtant, comment diable pouvez-vous avancer que le gaz n’est pas installé chez lui ?
– Une tache de bougie peut être accidentelle. Deux, passe encore ! Mais, quand je n’en compte pas moins de cinq, je pense qu’il y a de fortes chances pour que le propriétaire du chapeau sur lequel je les relève se serve fréquemment d’une bougie… et je l’imagine, montant l’escalier, son bougeoir d’une main et son chapeau de l’autre. Autant que je sache, le gaz ne fait pas de taches de bougie ! Vous êtes content, maintenant ?
– Mon Dieu, répondis-je en riant, tout cela est fort ingénieux, mais, étant donné qu’il n’y a pas eu crime, ainsi que vous le faisiez vous-même remarquer tout à l’heure, et qu’il ne s’agit, en somme, que d’une oie perdue, j’ai bien peur que vous ne vous soyez donné beaucoup de peine pour rien !