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Pari gagné

Pari gagné

Pari gagné

Je n'ai rien à voir

Je n'ai rien à voir

par Sidney Paget via Wikimedia Commons

– Je n’ai rien à voir avec les gens qui ont pu vous poser ces questions, répondit Holmes sur un ton de parfaite insouciance. Puisque vous ne voulez pas nous renseigner, nous annulerons le pari et on n’en parlera plus ! Malgré ça, je sais ce que je dis et je suis toujours prêt à parier ce qu’on voudra que l’oie que j’ai mangée ne peut pas avoir été engraissée ailleurs qu’à la campagne.
– Dans ce cas-là, répliqua le marchand, vous avez perdu ! Elle était de Londres.
– Impossible !
– Je vous dis que si.
– Je ne vous crois pas.
– Est-ce que vous vous figurez, par hasard, que vous connaissez la volaille mieux que moi, qui la manipule depuis le temps où je portais des culottes courtes ? Je vous répète que toutes les oies que j’ai livrées à l’Alpha avaient été engraissées à Londres.
– Vous ne me ferez jamais croire ça !
– Voulez-vous parier ?
– C’est comme si je vous prenais de l’argent dans la poche, étant donné que je suis sûr d’avoir raison, mais je veux bien vous parier un souverain, histoire de vous apprendre à être moins têtu !
Le marchand ricana et interpella son commis :
– Bill, apporte-moi mes livres ! Une demi-minute plus tard, M. Breckinridge allait se placer dans la lumière de la lampe pendue au plafond de la boutique. Il tenait ses livres à la main : un petit carnet, mince et graisseux, et un grand registre au dos fatigué.
– Et maintenant, dit-il, à nous deux, Monsieur la Certitude ! Je crois bien qu’il me reste encore une oie de plus que je ne pensais. Vous voyez ce carnet ?
– Oui.
– C’est là-dessus que je note le nom de mes fournisseurs. Sur cette page, vous avez les noms de tous ceux qui habitent hors de Londres, avec, à la suite de chacun, un chiffre qui renvoie à la page du registre où se trouve leur compte. Sur cette autre page, voici, à l’encre rouge, la liste complète de mes fournisseurs de Londres. Voulez-vous lire vous-même le nom porté sur la troisième ligne ?
Holmes obéit.
– Mme Oakshott, 117 Brixton Road, 249.
– Bon ! Voulez-vous prendre le registre et l’ouvrir à la page 249 ? … Voulez-vous lire ?
– Mme Oakshott, volailles, 117 Brixton Road.
– Donnez-moi l’avant-dernière ligne du compte !
– 22 décembre. Vingt-quatre oies à sept shillings six pence.
– Parfait ! La suivante ?
– Vendues à M. Windigate, de l’Alpha, à douze shillings pièce.
– Et alors ? Qu’est-ce que vous dites de ça ?
Sherlock Holmes avait l’air consterné, il tira un souverain de son gousset, le jeta sur une table, avec la mine de quelqu’un qui est trop écoeuré pour ajouter quoi que ce soit, et se retira sans un mot. Nous fîmes quelques pas, puis, sous un réverbère, il s’arrêta, riant de ce rire silencieux que je n’ai jamais connu qu’à lui.
– Quand vous rencontrez un type qui porte de tels favoris et qui a un journal de courses dans la poche, me dit-il, il y a toujours moyen de faire un pari avec lui ! J’aurais offert cent livres à ce bonhomme, il ne m’aurait pas donné des renseignements aussi complets que ceux qu’il m’a fournis spontanément, uniquement parce qu’il croyait me prendre de l’argent à la faveur d’un pari. J’ai l’impression, Watson, que notre enquête touche à sa fin. Toute la question est de savoir si nous rendons visite à Mme Oakshott ce soir ou si nous attendons demain matin. D’après ce que nous a dit ce bourru personnage, il est évident que nous ne sommes pas les seuls à nous intéresser à cette affaire et je devrais…
Il s’interrompit, des éclats de voix frappant nos oreilles qui paraissaient provenir de la boutique même que nous venions de quitter.
Nous nous retournâmes.
Un petit homme, dont le visage faisait songer à un rat, affrontait Breckinridge qui, debout dans l’encadrement de sa porte, secouait son poing sous le nez de son visiteur, tout en l’envoyant au diable.
– J’en ai assez de vous et de vos oies ! hurlait-il. Si vous continuez à m’embêter avec vos boniments, je lâcherai mon chien à vos trousses ! Amenez-moi Mme Oakshott et je lui répondrai ! Mais, vous, en quoi tout cela vous regarde-t-il ? Est-ce que je vous ai acheté des oies ?
– Non ! Seulement, il y en avait tout de même une qui était à moi !
– Réclamez-la à Mme Oakshott !
– C’est elle qui m’a dit de venir vous trouver !
– Allez trouver le roi de Prusse, si ça vous amuse, mais, ici, vous vous trompez de porte ! J’en ai par-dessus la tête, de cette histoire-là ! Fichez moi le camp !
Il avança d’un pas, menaçant.
Le petit homme disparut dans l’obscurité.
– Voilà qui nous épargne sans doute une visite à Brixton Road ! dit Holmes, revenant sur ses pas. Il y a peut-être quelque chose à tirer de ce petit bonhomme !