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La nuit vint

La nuit vint

par Tony Johannot via Wikimedia Commons

La nuit vint, et l’on regagna la maison, où il y eut grande assemblée de dames ; car la femme de don Antonio, qui était une personne de qualité, belle, aimable, enjouée, avait invité plusieurs de ses amies pour qu’elles vinssent faire honneur à son hôte et s’amuser de ses étranges folies. Elles vinrent pour la plupart ; on soupa splendidement, et le bal commença vers dix heures du soir.
Parmi les dames, il s’en trouvait deux d’humeur folâtre et moqueuse, qui, bien qu’honnêtes, étaient un peu évaporées, et dont les plaisanteries amusaient sans fâcher. Elles s’évertuèrent si bien à faire danser don Quichotte, qu’elles lui exténuèrent non seulement le corps, mais l’âme aussi.
C’était une chose curieuse à voir que la figure de don Quichotte, long, fluet, sec, jaune, serré dans ses habits, maussade, et, de plus, nullement léger. Les demoiselles lui lançaient, comme à la dérobée, des œillades et des propos d’amour ; et lui aussi, comme à la dérobée, répondait dédaigneusement à leurs avances. Mais enfin, se voyant assailli et serré de près par tant d’agaceries, il éleva la voix et s’écria :
- Fugite, partes adversae ; laissez-moi dans mon repos, pensées mal venues ; arrangez-vous, mesdames, avec vos désirs, car celle qui règne sur les miens, la sans pareille Dulcinée du Toboso, ne permet pas à d’autres que les siens de me vaincre et de me subjuguer.
Cela dit, il s’assit par terre, au milieu du salon, brisé et moulu d’un si violent exercice. Don Antonio le fit emporter à bras dans son lit, et le premier qui se mit à l’œuvre fut Sancho.
- Holà, holà ! seigneur mon maître, dit-il, vous vous en êtes joliment tiré. Est-ce que vous pensiez que tous les braves sont des danseurs, et tous les chevaliers errants des faiseurs d’entrechats ? Pardieu ! si vous l’aviez pensé, vous étiez bien dans l’erreur. Il y a tel homme qui s’aviserait de tuer un géant plutôt que de faire une cabriole. Ah ! s’il avait fallu jouer à la savate, je vous aurais bien remplacé ; car, pour me donner du talon dans le derrière, je suis un aigle ; mais pour toute autre danse, je n’y entends rien.
Avec ces propos, et d’autres encore, Sancho fit rire toute la compagnie ; puis il alla mettre son seigneur au lit, en le couvrant bien, pour lui faire suer les fraîcheurs prises au bal.