La société MEDIAlibri, éditrice de GlobeKid, ayant malheureusement dû cesser ses activités, le site web de GlobeKid n'est plus mis à jour et ses fonctionnalités de création de livres, de personnalisation des livres créés par l'équipe GlobeKid, ainsi que de téléchargement des livres au format PDF et Ebook et de commande des livres imprimés reliés, sont désactivées.

Vous pouvez cependant encore accéder librement aux contenus des livres pendant quelque temps et nous contacter pour toute question par email contact@globekid.com.

Nous le rattrapâmes

Nous le rattrapâmes

par Sidney Paget via Wikimedia Commons

Nous le rattrapâmes sans trop de difficulté. Il fit un véritable bond quand Holmes lui frappa sur l’épaule. Tournant vers mon ami un visage d’où toute couleur avait brusquement disparu, il demanda, d’une voix blanche, qui il était et ce qu’il voulait. Holmes s’expliqua avec douceur.
– Je m’en excuse, dit-il, mais je n’ai pu faire autrement que d’entendre, sans le vouloir, la petite discussion que vous venez d’avoir avec le marchand d’oies et je crois que je pourrais vous être utile.
- Vous ? Mais qui êtes-vous ? Et qu’est-ce que vous savez de cette histoire-là ?
– Je m’appelle Sherlock Holmes et c’est mon métier de savoir ce que les autres ne savent pas.
– Mais, cette affaire-là, vous en ignorez tout !
– Permettez ! Je la connais à fond, au contraire. Vous essayez de savoir ce que sont devenues des oies qui furent vendues par Mme Oakshott, de Brixton Road, à un commerçant du nom de Breckinridge, lequel les a revendues à M. Windigate, de l’Alpha Inn, qui les a lui-même réparties entre ses clients, parmi lesquels se trouve un certain M. Henry Baker.
– Monsieur, s’écria le petit homme, vous êtes évidemment la personne que je souhaitais le plus rencontrer !
Il tremblait. Il ajouta :
– Il m’est impossible de vous dire quelle importance cette affaire représente pour moi !
Sherlock Holmes héla un fiacre qui passait.
– Dans ce cas, dit-il, nous poursuivrons mieux cet entretien dans une pièce bien close que dans les courants d’air de ce marché. Cependant, avant d’aller plus loin, puis-je vous demander à qui j’ai le plaisir d’être agréable ?
L’homme hésita un instant. Guettant Holmes, du coin de l’oeil, il répondit :
– Je m’appelle John Robinson.
– Non, dit Holmes de son ton le plus aimable. C’est votre nom véritable que je vous demande. Il est toujours gênant de traiter avec quelqu’un qui se présente à vous sous un pseudonyme.
L’autre rougit.
– Alors, je m’appelle James Ryder.
– C’est ce que je pensais. Vous êtes le chef du personnel au Cosmopolitan Hotel. C’est bien ça ? Montez en voiture, je vous prie ! Je serai bientôt en mesure de vous dire tout ce que vous désirez savoir.
Le petit homme nous regardait, hésitant, visiblement partagé entre la crainte et l’espérance, comme quelqu’un qui ne sait pas très bien s’il est près du triomphe ou au bord de la catastrophe. Il se décida enfin à monter dans le fiacre. Une demi-heure plus tard, nous nous retrouvions à Baker Street, dans le bureau de Sherlock Holmes. Pas un mot n’avait été prononcé durant le trajet. Mais la respiration pénible de notre compagnon et l’agitation de ses mains, dont les doigts étaient en perpétuel mouvement, trahissaient sa nervosité.
– Nous voici chez nous ! dit Holmes avec bonne humeur en pénétrant dans la pièce. On a plaisir à voir du feu par un temps pareil ! Vous avez l’air gelé, monsieur Ryder ? Prenez ce fauteuil, voulez-vous ? Je vais enfiler mes pantoufles et nous nous occuperons de cette affaire qui vous intéresse. Voilà ! Maintenant, je suis à vous. Vous voulez savoir ce que sont devenues ces oies ?
– Oui, monsieur.
– Ou plutôt, j’imagine, cette oie ! Je ne crois pas me tromper si je dis que l’oie en question était toute blanche, avec une barre transversale noire à la queue. C’est bien ça ?
– Oui, monsieur. Vous savez où elle est ?
Ryder était si ému que sa voix s’étranglait.
– Je l’ai eue ici.
– Ici ?
– Oui. C’était une oie remarquable… et je ne m’étonne pas de l’intérêt que vous lui portez. Après sa mort, elle a pondu un oeuf… le plus beau petit oeuf bleu qu’on ait jamais vu. Il est ici, dans mon musée…
Notre visiteur s’était levé en chancelant. Accroché d’une main au manteau de la cheminée, il regardait Holmes qui ouvrait son coffre-fort pour en extraire l’escarboucle bleue. Mon ami, la tenant entre le pouce et l’index, la fit voir à Ryder. La pierre étincelait. Ryder, le visage contracté, n’osait ni réclamer l’objet ni dire qu’il ne l’avait jamais vu.
– La partie est jouée, Ryder ! dit Holmes d’un ton calme. Cramponnez vous, mon garçon, sinon vous allez tomber dans le foyer ! Watson, aidez-le donc à se rasseoir ! Il n’a pas assez de cran pour commettre des crapuleries et s’en tirer sans dommage. Donnez-lui une gorgée de cognac… Il reprend figure humaine, mais c’est une chiffe tout de même !
Ryder, qui avait failli s’écrouler sur le plancher, s’était un peu ressaisi. L’alcool lui avait mis un peu de couleur aux joues. Il levait vers son accusateur un regard craintif.
– J’ai en main à peu près tous les maillons de la chaîne, reprit Holmes, et toutes les preuves dont je pourrais avoir besoin. Vous n’avez donc pas grand-chose à me raconter. Cependant, pour qu’il n’y ait pas de « trous » dans mon histoire, ce peu que vous pourriez me dire, j’aimerais l’entendre. Naturellement, cette escarboucle bleue, on vous avait parlé d’elle ?