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Ma soeur m'avait dit

Ma soeur m'avait dit

par Sidney Paget via Wikimedia Commons

Ma soeur m’avait dit, quelques semaines plus tôt, que je pourrais choisir dans ses oies celle dont j’aimerais qu’elle me fît cadeau à Noël. Elle a toujours été de parole et il me suffisait donc de choisir mon oie tout de suite et de lui faire avaler ma pierre. Après ça, je pourrais m’en aller tranquillement à Kilburn, ma bête sous le bras. Il y avait dans la cour une petite remise, derrière laquelle je fis passer une des oies, une volaille bien grasse, toute blanche, avec la queue barrée de noir. Je l’attrapai et, l’obligeant à ouvrir le bec, je lui fis entrer la pierre dans le gésier. L’opération ne fut pas facile et cette maudite oie se débattit tellement qu’elle finit par m’échapper, s’envolant avec de grands cris, qui attirèrent ma soeur, laquelle me demanda ce qui se passait.
– Tu m’as dit, lui répondis-je, que tu me donnerais une oie pour Noël. J’étais en train de chercher la plus grasse !
Elle haussa les épaules.
– Ton oie est choisie depuis longtemps ! C’est la grosse, toute blanche, que tu vois là-bas. Il y en a vingt-six en tout. Une pour toi, une pour nous, et vingt-quatre pour la vente !
– Tu es très gentille, Maggie, répliquai-je, mais, si ça ne te fait rien, j’aimerais mieux avoir celle que je tenais il y a un instant.
Elle protesta.
– L’autre pèse au moins trois livres de plus et nous l’avons engraissée spécialement pour toi !
Naturellement, je m’entêtai.
– Ça ne fait rien ! Je préfère l’autre et, si tu n’y vois pas d’inconvénient, je vais l’emporter tout de suite.
Ma soeur ne savait plus que répliquer.
– Très bien ! dit-elle. Laquelle est-ce ?
Je la lui montrai. – La blanche, avec un trait noir sur la queue !
– Parfait ! Tu n’as qu’à la tuer et à l’emporter !
C’est ce que je fis, monsieur Holmes. Mon oie sous le bras, je m’en allai à Kilburn. Je racontai mon histoire au copain en question, qui était de ceux qu’elle ne pouvait indigner, et elle le fit bien rire. Après quoi, nous prîmes un couteau et nous ouvrîmes la bestiole. La pierre n’était pas à l’intérieur ! Je crus que j’allais m’évanouir. Il était évident que je m’étais trompé... et l’erreur avait quelque chose de tragique. Je retournai chez ma soeur en courant : il n’y avait plus une oie chez elle !
– Où sont-elles ? m’écriai-je.
– Vendues ! me répondit-elle.
– À qui ?
– À Breckinridge, de Covent Garden.
– Mais il y en avait donc deux qui avaient une barre noire sur la queue ? demandai-je.
– Oui. Nous n’avons jamais pu les distinguer l’une de l’autre.
À ce moment-là, je compris tout ! Mais il était trop tard. Je courus, chez ce Breckinridge. Toutes ses oies étaient déjà vendues et impossible de savoir à qui !
Vous avez pu voir vous-même comment il répond aux questions qu’on lui pose ! J’ai insisté, je n’ai rien pu obtenir de lui. Ma soeur, elle, a cru que je devenais fou... et je me demande parfois si elle n’avait pas raison. Je suis un voleur et je me suis déshonoré pour rien ! Mon Dieu ! mon Dieu ! .
La tête dans ses mains, l’homme pleurait. Il y eut un long silence, troublé seulement par ses sanglots et par le martèlement rythmé des doigts de Holmes, pianotant sur le bord de la table. Au bout d’un instant, mon ami se leva et alla ouvrir la porte.
– Allez-vous-en ! dit-il. Ryder sursauta.
– Oh ! Monsieur, merci ! Dieu vous bénisse !
– On ne vous demande rien. Filez !
Ryder ne se le fit pas dire deux fois. Il se précipita vers la sortie, dégringola l’escalier quatre à quatre et j’entendis la porte de la rue claquer derrière lui.
Holmes se rassit dans son fauteuil et, tout en bourrant une pipe en terre, tira en quelques mots la conclusion de l’aventure.
– Après tout, Watson, me dit-il, je ne suis pas chargé par la police de suppléer à ses déficiences. Si Horner risquait quelque chose, le problème se présenterait différemment, mais, étant donné que Ryder n’osera jamais se présenter à la barre, l’affaire tournera court, c’est évident. Sans doute, on peut estimer que je ne fais pas mon devoir. Seulement, j’ai peut-être sauvé une âme. Ce type ne se risquera plus à être malhonnête, alors que, si nous l’envoyons en prison, il deviendra un gibier de potence. Enfin, nous sommes en cette époque de l’année où il convient de pardonner. Le hasard nous a saisis d’un petit problème à la fois curieux et amusant, nous l’avons résolu et la solution suffit à nous payer de nos peines. Si vous voulez bien, docteur, appuyer sur la sonnette, nous commencerons avant qu’il ne soit longtemps une autre enquête, où un coq de bruyère jouera cette fois un rôle de première importance...